Concevoir les territoires en intégrant les notions d’obsolescence, de permanence et de solidarité environnementale

Réseaux, Kyoto derrière la gare

La notion d’obsolescence dans la production du bâti et des aménagements

Qui n’a pas jeté ou peut-être même recyclé une imprimante de trois kilos de matériaux, parce que le tampon à encre était trop imbibé et empêchait l’ensemble de fonctionner ? L’obsolescence programmée des objets ou des machines est une notion très partagée peut-être parce que les usagers en ont éprouvé l’absurdité avant-même que les médias ne s’emparent du sujet. C’est une notion très répandue et dont on parle depuis plusieurs décennies et pourtant les nouveaux modèles d’objets écoconçus peinent à se retrouver entre les mains de l’usager final (pour ne pas dire du consommateur…).

Puisque la détente est lente entre prise de conscience collective et action, il est temps d’étendre cette notion d’obsolescence et aussi d’écoconception à la production du cadre bâti et pourquoi pas des territoires qui est un autre poste important des émissions de gaz à effet de serre.

Concevoir des bâtiments avec des matériaux biosourcés, renouvelables, recyclés ou recyclables, concevoir des bâtiments évolutifs qui s’adaptent à différents usages, des bâtiments démontables, recyclables, considérer ces bâtiments comme des stocks à maintenir en place ou à inscrire dans une trajectoire sont des enjeux majeurs pour les maitres d’ouvrages, les concepteurs et les industriels impliqués dans la production du bâti.

Une autre manière de prendre la question est de réfléchir au juste niveau d’intrication de la technologie dans les constructions et les aménagements.

Boiler pour lisser les pics de demande énergétique en hiver, New-York

Décomplexifier les matériaux pour faciliter le recyclage ou le réusage est une piste explorée par les acteurs publics et privés de la construction (site internet based ou la base INIES), pour traiter la matière-même des nouvelles constructions.

Si l’on grossit un peu l’échelle, et suivant le même concept, il est possible également de ségréger certaines fonctions à l’échelle d’un bâtiment en vue d’assouplir son adaptabilité notamment technologique. Il est possible par exemple de délimiter certaines fonctions pérennes d’un bâtiment : le clos et le couvert par exemple et d’isoler celles plus sensibles à l’obsolescence et qui doivent pouvoir évoluer sans mettre à mal les premières (ne pas jeter sa souris, parce que la connectique n’est plus adaptée, de même ne pas démolir un bâtiment parce les réseaux de fluides sont obsolètes et trop imbriqués dans le bâtiment).

La place des réseaux est également à questionner, sans revenir à la stricte dissociation promue par la charte d’Athènes, il est possible de venir desserrer sensiblement certaines technologies dans les aménagements ou tout au moins de les concevoir en prenant en compte leur évolutivité dans le temps.

C’est aussi un moyen de redonner une certaine visibilité à des services qui à force de vouloir se faire discrets sont oubliés du grand public pour au final introduire plus de proximité avec la ville, mais également avec l’usager.

La performance environnementale modulée (obsolescence, suite)

La notion d’obsolescence est plus complexe à appréhender à l’échelle urbaine, mais c’est aussi à cette échelle que des solutions peuvent émerger notamment en tissant des liens de solidarités entre l’existant et les espaces de développement.

Si l’on prend le cas de la rénovation énergétique d’un ensemble patrimonial formant un ilot, un grand ensemble ou une résidence par exemple, et que l’on considère que l’optimum entre performance énergétique visée et cout de l’effort socio-économique a été déterminé. Faut-il faire évoluer les bâtiments de cet ensemble suivant un objectif de performance égalitaire, uniformément répartie, ou est-il possible d’imaginer une transition suivant un autre équilibre ?

Nous émettons l’hypothèse que les différents bâtiments et aménagements doivent pouvoir évoluer de manière différenciée, au regard notamment de leurs caractéristiques propres (constructives, patrimoniales, environnementales, qualité des usages) et aussi de leur situation au sein de l’ensemble à un niveau de performance et pour un cout globalement équivalent.

Dans ce dispositif, il devient nécessaire de concevoir l’opération de manière globale et de travailler notamment les échanges et liens de solidarité entre les différentes parties de cet ensemble.

Le bâtiment transformé ou adjoint doit rendre des services aux autres bâtiments : produire de l’énergie, accueillir la technologie pour l’ensemble des bâtiments et pourquoi pas un certain nombre de services liés aux évolutions des usages (mutualisation de certains espaces pour des activités d’intérêt collectif ou plus logistiques…). Les anciens bâtiments peuvent aussi accueillir leur part de services et technologie, mais nous préconisons de conserver des entités le plus simple possible en vue conserver leur grande souplesse de fonctions et leur capacité à évoluer.

Les avantages en seraient :

  • La possibilité de faire évoluer une part du bâti ou d’adjoindre de nouveaux bâtiments en les remodelant plus fortement et suivant des objectifs de performance environnementale plus ambitieux,
  • Inversement, une intervention moindre sur d’autres bâtiments, avec des adaptations de l’existant plus légères, low-tech, moins consommatrices de matériaux et moins génératrice de déchets de construction,

Et plus globalement :

  • Un patrimoine transformé ou créé plus performant et peut-être plus pérenne dans le sens ou son obsolescence devrait être reculée
  • Un bilan carbone lié aux matériaux entrants et sortants amélioré,
  • Un chantier de moindre ampleur et donc des nuisances plus restreintes dans le temps et dans l’espace
  • Et au final, une intervention plus adaptée,